Rapport sur la sidérurgie et la métallurgie
Commission d’enquête parlementaire : Édith Gueugneau et Philippe Baumel défendent les propositions du rapport en faveur de la sidérurgie et de la métallurgie.
Au vu des spécificités industrielles de leur territoire, Édith Gueugneau et Philippe Baumel, vice-présidente et secrétaire, se sont fortement investis au sein de la commission d’enquête sur la sidérurgie et la métallurgie.
Le 23 janvier 2013, l’Assemblée nationale votait la création d’une commission d’enquête sur la sidérurgie et la métallurgie, à l’ambition forte. A partir d’un diagnostic de la situation actuelle, la commission s’est fixée pour objectif de définir, avec l’ensemble des acteurs de la filière, les stratégies à mettre en oeuvre pour l’avenir de la sidérurgie et de la métallurgie, à l’échelle nationale et européenne.
Au travers de ce travail, l’enjeu est bien celui de préserver les emplois, les savoir-faire, tout autant que la souveraineté économique.
La commission d’enquête a auditionné plus de 150 personnes, dont Lakshmi Mittal, président d’Arcelor Mittal, effectué des déplacements sur le terrain en Lorraine, en Savoie, à Fos-sur-mer et à Dunkerque, mais également reçu les syndicats à l’occasion d’une table-ronde. A l’initiative des deux députés de Saône-et-Loire, des représentants syndicaux d’Aperam à Gueugnon et d’Industeel au Creusot, ont pu être auditionnés dans ce cadre.
Forte d’un travail riche et dense, la commission d’enquête a ainsi pu remettre son rapport au président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, le 16 juillet 2013, et formuler 26 propositions pour l’avenir de la sidérurgie et de la métallurgie.
Parmi ces propositions, trois axes forts sont à retenir :
– La formation, l’orientation de la jeunesse vers l’industrie : d’ici 2025, 11 000 salariés de la sidérurgie française partiront à la retraite. Le renouvellement des générations, l’insertion des jeunes par l’emploi, la transmission des savoir sont au cœur de l’avenir de l’industrie.
– La place centrale de la recherche et développement : le maintien d’une politique forte de R&D et d’une technologie de pointe sont incontournables pour envisager l’avenir de ces
industries ; la commission d’enquête préconise entre autres de fixer un objectif 2018 de 2% du chiffre d’affaires alloué à la R&D pour les entreprises de plus de 1000 salariés.
– Pointant le caractère « souvent contre-productif » des politiques européennes de la concurrence ou de l’énergie, une amélioration de la régulation, par le relèvement des droits de douane, fait également partie des pistes soulevées par le rapport.
Le rapport préconise également des filières sidérurgie, métallurgie et aluminium complètes afin de garantir une sécurité d’approvisionnement des activités de transformation en aval, pour des secteurs tels que l’automobile, l’aéronautique, le nucléaire ou les transports. La question de l’énergie, et plus particulièrement du coût de l’énergie a été elle aussi présente dans les discours des différentes filières.
La réindustrialisation est un des enjeux majeurs de la politique économique du Gouvernement ; elle trouvera prochainement une nouvelle traduction dans la loi, avec la proposition de loi communément appelée « reprise de sites rentables ». Une nouvelle procédure viendra privilégier l’obligation de trouver un repreneur afin de maintenir l’activité et les emplois, les actionnaires de long terme seront confortés et plusieurs mécanismes de protection des entreprises contre les prises de contrôle rampantes et hostiles renforcés.
La métallurgie représente 2 millions de salariés en France dont plus de 22 000 en Saône-et-Loire.
Communiqué de la Députée du Charolais, Édith Gueugneau, le 23 Juillet 2013.
26 propositions formulées par la commission :
1. Maintenir et moderniser une filière liquide de fabrication sidérurgique complète en France, en développant les technologies les plus modernes de consommation de la ressource (minerais) et d’efficacité énergétique.
2. Garantir la pérennité des deux sites français de production d’aluminium primaire (Dunkerque et Saint-Jean-de-Maurienne), tout en améliorant sensiblement la production d’aluminium par les canaux d’un recyclage plus performant, y compris par la collecte d’objets épars et de petite taille (emballage notamment) encore insuffisamment développée.
3. Assurer par l’existence de filières de la sidérurgie, de l’aluminium et du cuivre « complètes » la sécurité d’approvisionnement des activités de transformation « en aval » dans lesquelles notre pays doit conserver ses positions, s’agissant notamment des secteurs de l’aéronautique, de l’automobile, plus généralement des transports, du nucléaire, des câbles et de la construction. Cet ensemble d’activités doit continuer à s’appuyer sur ce socle industriel pour proposer des produits innovants à fort potentiel exportateur.
4. Créer en Lorraine une nouvelle aciérie électrique au meilleur niveau de la technique assurant une production destinée à des marchés de spécialités.
5. Réformer le système européen d’attribution et d’échanges (ETS) de certificats représentatifs des quotas d’émission de CO2. Exclure notamment toute attribution de certificats concernant un système de production ayant cessé toute activité depuis plus d’une année et concevoir des mécanismes de restitution de certificats par une entreprise ayant définitivement fermé un site de production.
6. Promouvoir l’économie circulaire et des canaux de recyclage plus clairement identifiables car mieux organisés dans le but de sécuriser l’accès des secteurs sidérurgiques et de l’aluminium à leurs ressources.
7. Fixer des objectifs de recyclage par type de matériau, plus particulièrement les emballages. Le Grenelle de l’environnement ayant établi un objectif global de 75 % pour le recyclage des emballages, il convient d’accentuer les efforts de collecte puis de traitement des produits pour lesquels les résultats constatés restent insuffisamment probants comme les emballages en aluminium dont le taux de recyclage (environ 35 %) demeure en retrait d’autres matériaux. Les cahiers des charges des Eco-organismes devraient être modifiés en ce sens.
8. Favoriser le recours à l’utilisation dans la production de produits recyclés en luttant contre les exportations illicites et en modifiant même les spécificités techniques de certains produits pour y incorporer des quantités minimales de ressources issues du recyclage. Conforter ainsi le potentiel de développement aux filières françaises de déconstruction (trains, navires, avions etc.)
9. Harmoniser par des accords bilatéraux entre pays voisins le montant au-delà duquel une transaction sur des métaux destinés au recyclage ne peut être payée en espèces ; les disparités des réglementations actuellement en vigueur en Europe détournent l’utilisation d’une partie non négligeable de la ressource disponible ainsi acquise par des négociants frontaliers.
10. Lutter contre l’opacité de certaines pratiques et optimiser le fonctionnement de la filière du recyclage la mise en place d’une plate-forme informatique d’échanges (phase préalable à la mise en place d’un marché français réglementé qui pourrait être appelé à réunir plusieurs pays européens).
11. Conforter la compétitivité de la filière « Industries extractives et de premières transformation » qui regroupe les acteurs de l’acier, de l’aluminium, de la métallurgie, du verre, des céramiques et du béton, dans le cadre du comité stratégique spécialisé qui est désormais installé (mai 2013) conformément aux orientations définies par le Conseil national de l’industrie.
12. Orienter une partie de l’épargne constituée au titre de l’assurance-vie sur des investissements visant à soutenir les filières stratégiques comme la sidérurgie et la métallurgie, à l’image des contrats « Euro croissance » dont la création a été proposée dans le récent rapport Berger-Lefebvre sur l’épargne financière des ménages pour l’investissement et la croissance. Modifier en conséquence l’encadrement réglementaire qui
s’impose actuellement aux assureurs de même que les dispositions fiscales à l’égard des souscripteurs qui s’appliquent principalement en fonction de la durée de détention et non pas en fonction de l’orientation de l’investissement.
13. Définir une doctrine spécifique d’investissement de la Banque publique d’investissement (BPI) en rapport aux besoins des filières et qui puisse se traduire par des prises de participations significatives au capital et rompre ainsi avec le mouvement de mainmise de groupes étrangers sur les entreprises sidérurgiques et métallurgiques, un phénomène qui s’est accéléré en France au cours de la dernière décennie.
14. Veiller tout spécialement au maintien et au développement des centres de R&D français des grands groupes multinationaux qui y ont acquis des activités industrielles. Sans mettre en cause les principes généraux d’éligibilité au crédit d’impôt recherche, il revient néanmoins aux pouvoirs publics de conditionner cet avantage à la poursuite dans la durée d’un effort réalisé en France et notamment d’exiger des bénéficiaires qu’ils investissent intégralement dans la recherche les montants représentatifs de ce crédit d’impôt. À défaut, le fisc disposera d’un droit de reprise sur les montants ayant eu un autre objet.
15. Fixer pour toutes les entreprises sidérurgiques et métallurgiques de plus de 1 000 salariés un objectif 2018 au moins égal à 2 % du chiffre d’affaires consacré à la R&D, tout en intensifiant les partenariats « publics-privés ».
16. Favoriser la création de filiales de fournitures énergétiques au capital desquelles EDF, GDF Suez voire d’autres énergéticiens européens pourraient durablement être associés afin de sécuriser les tarifs et les modalités d’approvisionnement des activités électro ou gazo intensives sur la base de contrats de long terme assortis d’un encadrement de leurs clauses de révision.
17. Saisir l’opportunité du débat sur la transition énergétique pour réaffirmer la nécessité d’établir une tarification lisible et de long terme aux industries énergie intensives et qui incorpore notamment des clauses relatives à leurs capacités d’effacement et à l’interruptibilité de consommation. Il convient en effet de mieux prendre en compte de telles possibilités au titre des modulations ou rabais tarifaires, à l’instar de ce qui est pratiqué pour des activités comparables dans d’autres pays et particulièrement en Allemagne.
18. Engager un débat à l’échelon européen sur les incidences envers la compétitivité des entreprises des options privilégiées par chaque État membre au titre de la transition énergétique afin de ne pas créer en matière tarifaire des disparités de compétitivité incompatibles avec l’existence même d’un marché unique européen. La situation actuellement constatée d’une transition énergétique « en ordre dispersée » entre les principaux pays de l’Union pose d’ores et déjà la question essentielle de l’équité de traitement entre activités de même nature au sein de l’espace communautaire.
19. Exiger une inflexion sensible des politiques de l’énergie et de la concurrence telles que mises en œuvre par la Commission européenne afin de conférer, à nouveau, aux industries énergie intensives le droit de conclure des contrats d’approvisionnement de longue durée, en tout état de cause d’une durée supérieure à la limite des cinq ans arbitrairement posée. Il convient ainsi d’ouvrir à ces entreprises des perspectives favorables à leurs investissements de modernisation. À défaut, il existera des risques majeurs de délocalisations vers des zones extra européennes (non exclusivement vers des pays émergents) où les pouvoirs publics conduisent d’ores et déjà des politiques plus favorables à ces industries (Amérique du nord, Norvège, Islande, Proche-Orient).
20. Réviser les modalités de la formation aux métiers de la métallurgie, de l’enseignement professionnel général aux écoles d’ingénieurs où on assiste à un effacement progressif des enseignements de base de ces activités qui y étaient traditionnellement dispensées. Cette situation notamment dénoncée par les Académies des sciences et des technologies appelle des rectifications urgentes et notamment un recours plus massif à l’alternance à tous les niveaux de qualification. Le renouvellement des générations dans les usines comme dans la R&D constitue un enjeu décisif pour la pérennité des industries sidérurgiques et métallurgiques et le maintien des savoir-faire en France, car près de 20 % des salariés de la sidérurgie partiront en retraite d’ici 2015.
21. Rapprocher l’éducation nationale et les organisations professionnelles pour conduire une politique d’information rénovée, en particulier à destination des familles, sur les métiers et filières d’avenir de la
sidérurgie et de la métallurgie. Multiplier dans les collèges les interventions programmées de salariés expérimentés des entreprises de ces secteurs afin de présenter leurs métiers et les débouchés accessibles.
22. Faire évoluer la fiscalité applicable aux entreprises et les dispositifs d’aide leur bénéficiant, en renforçant davantage leurs liens avec les efforts consentis pour développer l’emploi, la formation et la R&D.
23. Repenser dans le cadre d’une rénovation du dialogue social la hiérarchisation des grilles salariales afin de donner un « coup de pouce » notamment aux salaires d’embauche et susciter ainsi plus d’intérêt de la part des jeunes pour ces métiers.
24. Renforcer les moyens de contrôle des administrations douanières sur les produits sidérurgiques et métallurgiques accédant au marché européen, y compris par des analyses techniques approfondies en laboratoire, afin de mieux déceler la compatibilité des différents traitements qu’ils ont subis en cours de fabrication avec les normes européennes. Cette action coordonnée à l’échelon européen doit en priorité porter sur certaines activités du négoce d’importation : des produits en provenance de pays tiers incorporent en effet des substances définitivement proscrites par la réglementation européenne (règlement
REACH notamment).
25. Utiliser l’arme du relèvement des droits de douanes face à des situations constatées et répétées de dumping sur un type de produit émanant d’un pays tiers. Cette modalité légitime de protection est largement mise en pratique par de grands pays producteurs, notamment d’Amérique du nord ; son utilisation leur permet d’établir un rapport de force favorable dans le cadre des négociations qui généralement s’engagent rapidement avec le ou les pays d’origine des produits visés.
26. Constituer un groupe permanent de réflexion sur l’adaptation des infrastructures portuaires, routières, ferroviaires et fluviales aux besoins de l’industrie. Cette instance nationale réunissant les représentants des industriels, des organisations syndicales, des collectivités territoriales et des experts indépendants aura pour mission d’éclairer les décisions d’investissements publics mais aussi les stratégies de développement des entreprises, en inscrivant également ses orientations dans une optique d’efficacité énergétique et de nouvelles méthodes de construction.